Une découverte archéologique au large de Cahuita, dans la province de Limón, a réécrit une partie de l’histoire du Costa Rica et des Caraïbes. Des recherches récentes ont confirmé que les vestiges de deux naufrages, longtemps attribués à des pirates, appartiennent en réalité à des navires négriers danois du XVIIIᵉ siècle. Cette révélation est non seulement d’une grande valeur historique, mais elle a également des implications profondes pour la mémoire afrodescendante de la région.
La découverte
Les vestiges ont été localisés dans la zone du Parc National Cahuita. Après des années d’exploration, ils ont été identifiés comme appartenant aux navires Fridericus Quartus et Christianus Quintus, des embarcations danoises qui ont fait naufrage en 1710 alors qu’elles transportaient plus de 600 personnes africaines réduites en esclavage.
La recherche a été dirigée par le Musée National du Danemark en collaboration avec des archéologues marins tels que David Gregory et Andreas Kallmeyer Bloch. L’analyse de matériaux tels que des briques jaunes d’origine danoise, du bois carbonisé, et la comparaison avec les archives historiques du Danemark ont été fondamentales pour cette identification (Source).
Des pirates aux négriers : une nouvelle narration historique
Pendant des décennies, on a cru que ces vestiges appartenaient à des navires pirates qui sillonnaient les Caraïbes à l’époque de l’âge d’or de la piraterie. Cependant, les nouvelles preuves révèlent une réalité beaucoup plus complexe et douloureuse : ces navires faisaient partie du commerce transatlantique des esclaves, un réseau qui a profondément marqué toute l’Amérique latine.
Selon les archives étudiées, tant le Fridericus Quartus que le Christianus Quintus appartenaient à la Compagnie danoise des Indes occidentales et de Guinée, une organisation active dans le transport de personnes réduites en esclavage de l’Afrique vers les Caraïbes et les Amériques (Plus d’informations sur la compagnie dans Britannica).
Le rôle de la communauté locale
Les progrès des recherches n’auraient pas été possibles sans la participation active du Centre Communautaire de Plongée Embajadoras y Embajadores del Mar (CCBEM). Grâce à son initiative de science communautaire, des plongeuses locales comme Ana María Arenas et Maraya Jiménez ont découvert des pièces clés — en particulier des briques jaunes — qui ont guidé les chercheurs vers la véritable identité des navires.
La collaboration entre archéologues professionnels et membres de la communauté démontre la force du savoir local et l’importance d’inclure les populations côtières dans les projets de conservation et de recherche historique.
Implications pour l’histoire afrodescendante au Costa Rica
Cette découverte rouvre des questions cruciales sur l’histoire des personnes afrodescendantes au Costa Rica. Jusqu’à présent, on pensait que les premières grandes migrations d’Africains vers le Costa Rica avaient eu lieu au XIXᵉ siècle, principalement pour travailler à la construction du chemin de fer vers les Caraïbes.
La découverte de ces navires suggère que la présence africaine sur la côte caraïbe costaricienne pourrait être antérieure aux archives officielles, obligeant historiens et autorités culturelles à reconsidérer les récits officiels (Source : ameliarueda.com).
Elle souligne également la nécessité de reconnaître les contributions des communautés afrodescendantes non seulement comme une partie récente de l’histoire nationale, mais comme un élément fondamental de l’identité nationale depuis l’époque coloniale.
Préservation et mémoire historique
La conservation des vestiges des navires est désormais une priorité. Les archéologues et les gestionnaires du patrimoine plaident pour la protection de ces sites afin de permettre de futures études et, à terme, le développement de projets éducatifs permettant à davantage de Costariciens et de visiteurs de comprendre cette période sombre mais essentielle de l’histoire.
En parallèle, des projets sont envisagés pour raconter cette histoire dans les musées et centres culturels, renforçant ainsi la mémoire collective et reconnaissant l’héritage douloureux de la traite transatlantique des esclaves au Costa Rica.
La découverte des navires Fridericus Quartus et Christianus Quintus au large de Cahuita représente bien plus qu’une trouvaille archéologique : c’est un acte de mémoire historique. Elle révèle un héritage longtemps resté submergé, et offre l’opportunité de réécrire l’histoire du littoral caraïbe costaricien avec plus d’inclusion, de respect et de vérité.
Dans un pays qui se targue de sa diversité culturelle, reconnaître ces chapitres douloureux est essentiel pour construire un avenir plus conscient et plus juste.